Des mois que j’attendais ça : re-jou-er ! J’ai pu le faire contre le Stade Français et ma rupture du tendon d’Achille est derrière moi. Alors, on parle de quoi : d’hier ou de demain ? Cad’deb !
Ambitions pour cette saison
Je viens à peine de reprendre et ne vous attendez pas à ce que je perce de partout d’entrée ! Mon action façon Twickenham, je la referai, mais pas de suite. Je me positionne un peu comme un joueur de Clermont qui doit bousculer la hiérarchie établie durant mon absence. A moi de tout faire pour prétendre être à nouveau titulaire à un poste où la concurrence est sévère avec Rémi Lamerat, Peter Betham, Aurélien Rougerie, Atila Septar ou Damian Penaud.
Damian est d’ailleurs très talentueux. Si sa façon de courir ne le laisse pas supposer, il est très rapide. Dans le rugby actuel, c’est un vrai plus. Toutes ses prises de balles nous amènent aussi un plus indéniable, dans la mesure où il est encore frais et où les adversaires ne le connaissent pas encore très bien. On a besoin de joueurs comme ça qui ne se posent pas question.
Les Bleus
Je ne fixe pas d’objectif avec l’équipe de France. Je me concentre sur le club en revenant à mon meilleur niveau. Après, on verra si je peux prétendre à autre chose comme la Coupe du monde 2019 au Japon. Il est certain que j’aurais aimé et j’aimerais être avec le groupe tricolore pour modestement essayer de l’aider même si ce n’est pas encore possible et même si rien n’a trop changé. Le potentiel existe mais la gestion du rugby français et des calendriers font qu’on ne peut pas rivaliser toute l’année. Le mal est récurent. Les tournées de novembre et le Tournoi des Six Nations se passent plutôt bien mais lors des tournées d’été, on s’écroule parce qu’on est morts. Ce n’est pas une question de sélectionneur. Je suis aussi persuadé que les joueurs français valent largement ce qui se fait de mieux dans le monde.
L’évolution de mon sport
Ce rugby n’a plus rien avoir avec ce qu’il était il n’y a que cinq ans en arrière. Le professionnalisme évolue très vite en termes d’infrastructures, de moyens financiers, de méthodes d’entraînements. Il est impossible que notre sport demeure ce qu’il était il y a vingt ans avec l’argent et la médiatisation qui existent actuellement. Alors forcément, certaines valeurs disparaissent. Je pense aussi que les joueurs ne peuvent plus se permettre de faire des troisièmes mi-temps tous les weekends et on doit faire attention à ce que l’on dit ou à l’image que l’on donne. N’oublions pas que des enfants qui nous admirent nous regardent.
L’ultra physique
Cette autre évolution du rugby, je la trouve très dangereuse. Même si je suis plus proche de la fin de ma carrière, je n’ai pas envie de dire « tant pis. » J’ai un peu peur pour les joueurs qui s’entraînent déjà avec nous et qui ne sont que des « bébés ». Je me demande où est-ce qu’on va. Le sujet est complexe. Avec les dimensions physiques et d’intensité atteintes aujourd’hui, on ne peut plus faire machine arrière. On ne va pas demander à un joueur d’être moins préparé qu’il ne l’est actuellement. Je ne m’imagine pas non plus des règles pouvant limiter cela, à moins de dénaturer le rugby. J’aime mon sport et j’ai envie d’être protégé mais je ne vois pas de solutions.
Les débuts avec Serge
Avant le lycée Lakanal, j’étais au collège Georges-Braque à Paris (13e) et la section rugby de l’établissement n’arrêtait pas de m’inciter à les rejoindre. Il y avait aussi Félix Le Bourhis. En fin de classe de 5e, j’ai finalement accepté. Serge Collinet était le professeur d’EPS. Une belle personne. Sans lui, jamais je n’aurais su ce qu’était le rugby. Jamais je n’aurais percé. On s’appelle encore, on s’écrit. A chaque match où il peut venir me voir, il est là. Quand je me suis blessé, il était là. Je lui envoie aussi des équipements pour le collège. Je veux le remercier pour ce qu’il a fait pour moi. Merci Serge.
Il m’a d’abord fait découvrir ce sport avec ses valeurs. Il a aussi été extrêmement patient avec moi qui lui faisais de tout. Mais lui aussi me faisait de tout ! Il venait sonner chez mes parents avec ma mère qui disait : « non il ne fera pas de rugby ! » Je me souviens aussi des récrés ou plutôt que de me laisser m’amuser avec mes potes, il me faisait faire 50 millions de passes ! Combien de fois j’ai failli arrêter ou essayer un autre sport. Il n’arrêtait pas de s’engueuler avec les autres profs qui voulaient me recruter. Merci à ce grand Monsieur qui ne fait pas un métier facile et à qui je serai éternellement reconnaissant de m’avoir permis de grandir grâce à ce sport et d’y prendre du plaisir.
Le jour où tout a basculé
Avant la Coupe du monde des moins de 20 ans au Pays de Galles en 2008, j’étais bien installé dans le groupe France, ayant évolué en U19, U18 et U17. Pour autant, je me foutais complètement de tout ce qui m’arrivait. Il a fallu cette compétition pour que je décide d’un peu m’investir. Je souhaitais disputer cette épreuve à fond puis arrêter ce sport pour penser à ma vie active. Or, quelques semaines avant le début de ce Mondial, je me suis blessé à l’épaule. Bim, forfait ! Je suis alors allé consulter à Lyon le célèbre chirurgien le Dr Walch qui m’a dit que je pourrais jouer cette Coupe du monde malgré cette blessure mais avec des risques graves quant à la suite.
Ce ne fut pas facile mais j’ai alors décidé de manquer l’événement pour me faire opérer. J’ai ainsi fait la rééducation puis l’avant saison avec Clermont avant de m’y faire ma place. C’était la première fois que je prenais part à une telle préparation physique. Moi qui étais grassouillet, je n’avais jamais eu un corps comme ça. Quelque part, ça m’a changé et m’a permis de faire évoluer mon jeu. Autant dire que je n’ai jamais regretté ce choix de vie. Avec le recul, c’est marrant de voir à quoi tient une carrière. Heureusement que je n’étais pas un « fada » de rugby à 20 ans. Sinon, j’aurais peut-être mal géré tout ça.
Mon premier match en Bleu
C’est contre l’Italie lors de la saison 2011-2012 et le Tournoi des Six Nations. Je fais une première mi-temps hooorrible. Je suis pourtant en pleine forme et associé à mon coéquipier de club Roro (Aurélien Rougerie, ndlr) mais je n’attrape pas un ballon, je n’arrive pas à prendre un intervalle. A la pause aux vestiaires, je me dis : « tu te stresses pour rien. Pour rien… » Je me suis donc lâché en deuxième mi-temps, finissant par marquer un essai devant toute ma famille au Stade de France. Ça restera un souvenir immense. Magique. Une fierté absolue. J’étais d’autant plus content que par la suite, j’ai marqué à chaque match du Tournoi en suivant, hormis le dernier. Magique…
Je n’avais pas la culture rugby du maillot bleu. Mais en tant que fan absolu de sport, représenter l’équipe de France, représenter mon pays, dans le sport pour lequel tu travailles tous les jours, c’était juste magistral.
Le paradoxe clermontois
L’ASM est l’un des meilleurs clubs en Europe qui cherche constamment à avoir un temps d’avance sur les autres dans tous les domaines. C’est de là d’où vient cette régularité au plus haut niveau. Cette régularité explique la fidélité du public, des sponsors et donc des finances. Tout est aussi fait pour faciliter la vie du joueur avec des infrastructures incroyables mais aussi faciliter la vie de l’homme. D’ailleurs, davantage que les finales ou les trophées, je prends davantage de plaisir à m’épanouir en tant que rugbyman ou en tant qu’homme au quotidien. Pouvoir prendre pour donner au maximum, c’est dix fois mieux qu’une finale ou un titre, c’est sûr ! Ça ce m’empêche d’avoir un appétit de trophée car je vous rappelle que je n’ai joué ni la finale victorieuse de 2010, ni celle de 2017.
Les USA
J’adore cette langue et j’ai toujours été attiré par cette culture qui nous entoure à travers les films, les séries, la musique, les fringues… Ça me fait rêver et je n’y suis toujours pas allé ! Vous imaginez ?
En 2008, je me suis fait opérer de l’épaule et je découvre le monde pro à Clermont. Malheureusement, mon opération et ma rééducation me font manquer le stage de pré-saison de l’ASM aux… Etats-Unis !
Par la suite, j’ai eu la chance de voyager dans plein de pays en Europe, en Afrique ou dans le Pacifique mais toujours pas les USA !
Mais je pense qu’il n’y a pas de hasard dans la vie. Ne vous inquiétez pas, c’est un projet avec ma femme dont c’est un rêve aussi. On veut y faire un vrai trip de plusieurs mois avec notre petite famille. Je pense attendre la fin de ma carrière pour en profiter pleinement car aujourd’hui, même quand j’ai trois semaines de vacances, je suis obligé de continuer de m’entraîner physiquement. Je veux vivre cette belle expérience à 100% où j’en prendrai plein les yeux. Inoubliable.
L’après rugby
Finir à l’ASM ? On ne sait jamais avec le rugby pro. Qui aurait imaginé Vincent Clerc partir de Toulouse ou Louis Picamoles revenir à Montpellier ? Contractuellement, il me reste cette saison et une autre. Mais une fois les crampons raccrochés, j’ai la chance que l’ASM accompagne ses joueurs pour l’après carrière. C’est une démarche personnelle. Rien n’est arrêté tant beaucoup de choses peuvent arriver. J’ai des axes de réflexion vers le sport, la télévision, une forme de médecine, coach, … En tout cas, je ne me vois pas ouvrir un bar ou un restaurant.
L’amitié
Mes amis dans le rugby se nomment Julien Malzieu, Jean-Marcelin Buttin, Brock James, Adrien Planté, Yoann Huget et j’en oublie. Hors rugby, pour être ami avec moi, il faut y aller. Faut passer du temps ensemble. Des années ! Les amis, ils se comptent sur les doigts d’une main. Après, il y a mon frère Warren qui a 26 ans et avec qui c’est fusionnel dans l’amour, les engueulades, le chambrage, les appels, tout ce que tu veux. On est comme des frères jumeaux.
La notoriété
Forcément, en vieillissant, on y attache un peu moins d’importance qu’à 20 ans où on s’enflamme. C’est vrai que hors rugby, parfois, j’aimerais qu’on me laisse davantage tranquille lorsque je suis en famille. Mais en même temps, il y a d’autres villes, régions ou pays où c’est plus virulent qu’à Clermont. Ici, il y a beaucoup d’amour. Et tout autour de moi d’ailleurs.