Sport guerrier, fait de contacts et de chocs, le rugby possède néanmoins sa gestuelle. Comme la soule du Moyen-Age, c’est une chanson de geste. (Geste vient du latin gesta « actions, hauts faits, exploits ».
Le match de vendredi soir entre les deux Stades, nous a encore montré combien cette gestuelle demeure fondamentale et combien il est impérieux de travailler le geste juste. Et cet enchaînement de gestes justes, de faits plus ou moins hauts, peut mener l’équipe à la victoire, comme pour Toulouse, ou à la défaite, ce qui fut le cas des Parisiens en cette soirée de gestes… indigestes !
Tout d’abord, l’action de la fin de première mi-temps, ce petit mouvement d’aile d’un papillon géant qui aura des conséquences fatales, est le plaquage à l’épaule de Tialata – 1m87 pour 136 kg – sur Sempéré, à peine 1m80 pour 102 kg. Geste juste de celui qui veut détruire l’adversaire par un plaquage à l’épaule, à hauteur des cervicales (ou à peu près) et suffisamment bien asséné pour qu’il puisse être interprété comme valable ou non. L’arbitre l’a jugé valable, Sempéré est resté au sol et le pilier Toulousain a continué son match.
Dans la continuité de cette action litigieuse, le jeune Danty accroche un peu le maillot de Clerc qui le taquine avec un croc en jambe fielleux. Le fougueux Jonathan tente alors le geste revanchard du teigneux, mais le mouvement n’est pas suffisamment juste, trop irréfléchi, trop spontané ! Il dégaine soudainement ce qu’il pense être un franc coup de poing mais il ne fait que mouliner et qu’effleurer Vincent Clerc qui, encore un geste bien pensé, se jette sur le sol et s’allonge, inerte, immobile, assommé… pendant trois ou quatre secondes. La sanction tombe : carton rouge ! Et plus d’une mi-temps en infériorité numérique pour les Parisiens !
Le geste n’était pas juste !
Et puis, quelques minutes plus tard, l’ouvreur Jules Plisson, tente le geste du plaquage juste sur un gros lancé sur lui mais il se rate et son épaule cède, il devra sortir. Pas de phases finales (si Paris se qualifie) et probablement pas de Coupe du Monde.
Ce match de samedi a donc été une succession de gestes plus ou moins justes, de part et d’autre. Et chaque geste a son importance, parfois fatale. Le plaquage doit être réussi, il peut être destructeur, tout autant pour celui qui le tente que pour celui qui le cherche. Le coup de poing doit être discret ou en tout cas efficace.
Le récit rugbystique entonné par les parisiens hier fut une belle chanson de geste(s) mais l’air n’était pas juste. Et quelques héros malheureux pensent et repensent à ce geste fatal qu’ils n’ont pas réussi, pour quelques centimètres, quelques centièmes de secondes… presque rien !