Nous sommes en décembre, il fait froid, la pluie tombe à grands flots un peu partout sur l’hexagone, alors on rêve d’Europe.
Et l’amateur de rugby peut se réjouir car c’est la troisième journée de la Coupe d’Europe, avec du beau spectacle en perspective : un prometteur Munster – Clermont, un attendu Leicester – Toulon et peut-être une victoire inespérée, enfin, du Racing sur les terres des Ospreys.
De grosses gouttes d’une eau épaisse s’alanguissent sur la vitre du salon, le temps est frais, la bière aussi !
Et là, au moment de savourer une après-midi de bonheur ovale, l’amateur de rugby se dit qu’il s’est peut-être trompé de semaine. Il consulte, vaguement inquiet, qui son Télé7jours et qui son Télérama, à la recherche d’informations sur les retransmissions télévisées… rien ! Encore souriant, toujours bercé de l’illusion du plaisir à venir et s’abreuvant d’un peu de mousse toujours bien fraîche, il appuie sur la touche mosaïque de son téléviseur… et l’Angoisse, atroce, despotique, sur son corps incliné plante son drapeau noir !
Rien ! Pas de match ! Aucune retransmission ! Le néant, le vertige, l’incrédulité…
Il faut se rendre enfin à l’évidence, les matches de rugby de la Coupe d’Europe sont réservés à ceux qui ont les moyens de s’abonner à une chaîne payante qui s’est offert les droits télés jusqu’en 2018 !
Alors notre amateur, pas forcément fortuné, regarde un peu le match sur un minuscule carré de la mosaïque, tout en zappant toutes les 6 secondes pour avoir le son. Dégoûté, las, éreinté, les yeux hagards, il allume son ordinateur et regarde vaguement en streaming un match qu’il n’a déjà plus envie de voir.
Las, l’amateur de rugby qui vient seulement de se rendre compte, à la 3e journée des matches de poule, qu’il ne peut en regarder qu’un seul par week-end car les autres sont « taxés » à 12 € par mois, retient son souffle quelques secondes, éteint sa télé, pose sa télécommande sur la table basse et renonce au rugby.
Il finit sa bière en se disant que le monde de l’ovalie a bien changé, qu’il évolue bien vite, et que regarder le rugby de l’Europe à la télé, c’est décidément devenu un sport de riches !