L’après-rugby n’est pas évident pour les rugbymen professionnels. Surtout pour nous, Îliens expatriés si loin de nos racines et de nos parents. Voici comment j’ai créé mon propre business, entouré de toute ma famille et de mes amis.
Chief’s Events
Comme beaucoup d’anciens joueurs, j’ai toujours voulu ouvrir mon bar-restaurant qui proposerait une cuisine de mon pays, les Samoa. Surtout dans cette région très touristique autour de Perpignan. Malheureusement, afin de cuisiner de façon traditionnelle comme dans mes îles, mais aussi proposer des danses et animations typiques du Pacifique il me faut un espace extérieur assez grand. A ce jour, je n’ai pas encore trouvé ce lieu, même si j’organise des repas à Malibu Village à l’entrée de Canet-Plage. En attendant de trouver ce lieu, j’ai créé mon entreprise de traiteur proposant la cuisine des Samoa et des îles : Chief’s Events (les événements du chef en français). C’est donc moi qui me déplace vers vous pour proposer ces événements. Car ce n’est pas que de la cuisine…
Son organisation
Tout a commencé quand Stéphane, un ami, m’a mis en relation avec un ami à lui qui souhaitait préparer un cochon de lait pour une occasion. Mais d’une façon moins traditionnelle qu’en France. Je lui ai alors proposé mon style îlien. Tout a démarré comme ça. J’ai monté une structure en autoentreprise il y a un peu plus d’un an. Ça facilite le côté administratif de la création et gestion d’entreprise. Même si nous avons une page Facebook (https://www.facebook.com/henrytuilagi/), le bouche à oreille est essentiel. Ma femme Niuseveisa m’aide. Mes enfants apprennent aussi à mettre la main à la pâte. Surtout le plus grand de mes sept enfants qui fait des études de cuisine. Enfin, lors des événements rassemblant jusqu’à 400 personnes, mes six frères qui jouent quasi tous en Europe, et quelques amis me donnent un coup de main. Ils sont Samoans, Fidjiens, Tongiens, Wallisiens, Français, Catalans et tous partagent cette tradition commune. C’est aussi l’occasion de nous retrouver. Grâce à cette expérience que j’accumule, quand j’aurais mon restaurant, tout sera prêt. En attendant, je travaille.
Cuisiner
J’ai toujours cuisiné à la maison. C’est traditionnel chez nous de proposer cette cuisine même si ce que l’on propose en prestations est plus élaboré. Le dimanche est traditionnellement le moment aux Samoa où la famille et les amis se réunissent autour de nos bons plats. Et comme nous avons toujours constitué une grande communauté, j’ai toujours été habitué à préparer à manger pour un grand nombre. C’est pourquoi prendre part à des séminaires, repas d’entreprises, mariages, baptêmes, anniversaires ou autres pour 100, 200 ou 400 personnes, cela ne me fait pas peur. Je peux travailler tous les jours ! Mais avec deux événements par semaine, c’est rentable. D’autant que nous privilégions la qualité à la quantité.
La motivation pour ce projet
Pour moi, le plus important est de faire connaître notre culture à travers notre cuisine. Evidemment, que de réunir des gens, les rendre heureux, leur apprendre à prendre le temps, de savourer mais aussi, plus personnellement, avoir un métier, développer une entreprise ; tout cela compte. Mais que des gens s’ouvrent à nos traditions me semble important. Derrière ces guerriers rugbymen qui donnent tout sur un terrain et que l’on connait, il me semble important que l’on découvre aussi nos coutumes, notre sens du partage, ce que nous sommes au plus profond de nous. Avec Internet, les documentaires à la télévision ou avec des billets d’avion low cost, il est possible de découvrir nos lointaines îles du Pacifique. Mais cela n’est pas offert à tous. Avec Chiefs’ Events, vous pouvez venir vous asseoir près du feu, sentir les odeurs, goûter les saveurs, écouter la musique ou les chants. Et aussi participer ! Ça change tout. Ce sont les îles du Pacifique qui viennent ainsi à vous.
Des produits exotiques
Depuis Perpignan, nous parvenons à nous approvisionner et nous faire livrer des produits et autres épices en provenance du Pacifique, des Caraïbes ou de la Jamaïque, afin de préparer notre cuisine à base de cuisson avec des feuilles de bananiers. Des fruits aux salades, en passant par les sauces et accompagnements, j’essaie de faire avec le maximum de produits qui proviennent de là-bas. Pour le vin, j’ai l’embarras du choix dans cette belle région catalane. Mais je n’ai pas envie d’acheter un domaine comme certains rugbymen et fabriquer mon propre vin. Je me concentre sur ce que je sais faire le mieux.
Bien plus que de la cuisine
En plus de la prestation culinaire, nous pouvons être accompagnés de danseurs ou d’un groupe de musique (Toko Uso). Des joueurs de rugby ou d’anciens joueurs évoluant dans la région en font partie comme Tialata ou Lemalu. Surtout, il n’y a rien de mieux que de partager quelques verres et de belles discussions après manger. Les gens que nous côtoyons viennent d’horizons très divers et on ne parle pas que rugby. Et c’est toujours très positif de se rencontrer dans notre société. Ça fait du bien à l’esprit tout ça.
Un après rugby réussi
Alors que beaucoup de joueurs galèrent après avoir raccroché les crampons, je suis fier d’avoir trouvé par moi-même une solution pour mon après-rugby avec cette nouvelle carrière que j’ai construit grâce à cette entreprise rentable. Mais je suis encore plus fier de pouvoir montrer aux gens qui nous font confiance que ça, c’est les Samoa ! Ça, c’est le Pacifique.
Ce qu’en pense ma famille
Ils apprécient mon travail car c’est différent de ce que beaucoup de rugbymen qui se retirent font. Ils apprécient aussi car cela nous représente complètement. C’est vraiment notre signature. Et puis nous sommes tous réunis avant et pendant les événements.
Mixer les cuisines et les cultures
On adore les cuisines française et catalane. A part les escargots… A tel point que dans certains plats que nous proposons, nous n’hésitons pas à mélanger cuisine du Pacifique et cuisine de France. Les gens adorent. Surtout, je tiens à préciser que tout est fait maison.
Franchiser Chief’s Events ?
Géographiquement, mon activité se concentre dans le sud de la France même si un jour, j’ai réalisé une prestation à Amsterdam. J’adorerais d’ailleurs développer le concept ! Peut-être avec des sortes de franchises. Mais je ne veux pas griller les étapes. Je vais solidifier doucement mon entreprise, peut-être trouver un local puis voir ce que je peux faire ensuite si ça continue de marcher. Certains me parlent d’organiser un Chief’s Events à l’occasion d’une finale de Top 14 ou de Coupe d’Europe. Mais mon rêve est d’abord de pérenniser mon activité. Modestement.