C’est la plus belle journée de l’année pour tous les rugbymen français. Jour de finale, une parenthèse dans la vie des supporters, des joueurs. Le Brennus, ce bout de bois créé en 1892 et gravé par un sculpteur éponyme reste la quête ultime, le bonheur intégral pour les joueurs du TOP 14. Je me souviens des paroles du regretté Dédé Boniface dans une émission que j’avais produite pour TV5 Monde, la magie du Brennus : « le Brennus, ça dépasse tout. Lorsque qu’on est appelé en équipe de France, on est heureux mais c’est un bonheur individuel. Le Brennus, c’est le bonheur partagé avec les copains, la famille.. On le vit tous les jours, toute l’année et c’est fabuleux. En plus, nous quand on a gagné contre Dax (en 1963), on était aussi champion des Landes rigolait l’ancien centre du Stade Montois. Et tout est dit…
Car samedi, la province ne va pas monter à Paris. En raison de JO, c’est l’Orange Vélodrome de Marseille qui va accueillir l’évènement. Et sur le pré, il y aura encore la France des régions, des terroirs. C’est Lucu de Saint Pée sur Nivelle qui défie Antoine Dupont de Castelnau-Magnoac. L’enracinement est profond pour des joueurs qui ont grandi en admirant ceux qui ont touché le Bouclier comme ceux -immenses joueurs – qui se sont retrouvé dans le mauvais vestiaire à l’issue de la finale. Serge Blanco, Philippe Saint André, Pierre Albaladéjo notamment n’ont jamais touché le bout de bois en tant que joueurs. Et, au plus profond d’eux même, il y a sans doute une petite tache, un éternel regret : comme un rêve envolé de ne pas avoir partagé avec les copains, la famille.
Car vendredi, au delà du rugby professionnel, de son argent, de ses publicités, de son audience, il s’agira de cela. Oui le Stade Toulousain arrive en Provence comme le favori de cette finale qui doit ponctuer d’un doublé -Coupe d’Europe et Brennus- une année exceptionnelle. Toulouse en quête d’un 23 ème Brennus pour assoir encore un peu plus son leadership sur le rugby français. Toulouse et ses stars sera privé se son pilier de Lannemezan, Cyril Baille et de son géant Méafou, soit un quart de son paquet d’avants. Bon, il y a de la réserve au Stade Toulousain et ces forfaits n’entament pas le statut de favori de l’équipe d’Ugo Mola, programmée, entrainée pour gagner. On l’a vu l’an dernier quand les toulousains, pourtant dominés en finale par La Rochelle, ont su, grâce à une inspiration géniale de Romain Ntamack ,l’emporter..La force de l’habitude en quelque sorte. Mais on a vu, encore face à La Rochelle en demi finale, que les toulousains n’était pas infaillibles, à 15 contre 15
C’est presque la chance de l’Union Bordeaux-Bègles,né du professionnalisme en 2006. L’UBB, jamais titré et qui doit se pencher loin en arrière pour apercevoir les Brennus décrochés par Bègles, en 1969 dans le sillage de Jean Trillo ou en 1991 par la force du pack des « Rapetou » (Gimbert, Moscato, Simon avec Mougeot et Berthozat derrière eux), les 2 fois au dépens…du Stade Toulousain. Les 5 titres du SBUC (Stade bordelais université club) remontent eux à la préhistoire du rugby (1899 à 1905), un autre temps qui ignorait la suprématie des toulousains. C’est justement la situation recherchée par les bordelais aujourd’hui. Et ils ont des armes pour défier les champions en titre.. Ainsi les « galactiques » bordelais n’ont pas gagné leur demi-finale face au Stade Français par leur jeu d’attaque mais plutôt grâce à des mauls bien construits, autour des avants et du talonneur Maxime Lamothe. Les ballons portés des bordelais -révélateurs d’une équipe soudée, liée- ont mis au supplice les avants du Stade Français pourtant équipé et respecté dans ce secteur. Contre Toulouse, cela sera insuffisant pour gagner. Toulouse, avec Super Dupont notamment a beaucoup plus d’ arguments offensifs que le Stade Français. Mais l’UBB aussi surtout avec Jalibert. Si le demi d’ouverture bordelais tient sa place, nous aurons un affrontement royal des charnières de l’équipe de France. Toulouse a son super Dupont, Kinghorn, Romain Ntamack (décisif l’an dernier) ou Ramos mais il ne faut pas négliger l’impact de joueurs comme Penaud, Bielle Biarrey, Moéfana (très tonique en demi finale) et les autres.
Cette finale m’apparaît plus indécise qu’on ne veut bien le croire. Il y a du talent dans les 2 camps, sans doute un peu plus de fraicheur du côté des toulousains mais la solidarité, le culot, l’ambition des hommes de Yannick Bru peuvent leur permettre de renverser la table. En terme de talent, l’UBB est sans doute ce qui se rapproche le plus du Stade Toulousain. Un facteur essentiel pour que ce jour de finale débouche sur un bon match avant la plus douce des nuits. Nuit d’ivresse, d’allégresse comme on dit du côté de Mauléon, pour fêter les champions de France ..et de la Garonne.