Le rugby est un sport professionnel ; les joueurs d’aujourd’hui sont des professionnels. Ils gagnent très bien leur vie, entre leurs salaires de clubs, les primes liées aux sélections et les contrats publicitaires, les sommes peuvent rapidement monter très haut.
Il faut bien alors que le rugby français ait les moyens de s’offrir ces joueurs et ce niveau de vie élevé, d’où l’apparition de présidents-mécènes tels que Lorenzetti, Boudjellal ou Guazzini, mais aussi d’un marketing très développé pour « vendre » le rugby auprès du plus grand nombre.
Et c’est ainsi que le supporter moyen, tout comme le journaliste averti, peut se retrouver, au hasard des rencontres avec différents partenaires, dans une loge, un jour de match prestigieux, au Stade de France.
Et le rugby prend un tout autre sens, se voit avec d’autres yeux, sous d’autres angles. Quand vous avez l’habitude de piétiner dans les couloirs du RER pour aboutir enfin à l’air libre et cheminer ensuite avec lenteur pendant plusieurs centaines de mètres, avalé par une foule de milliers de gens qui marchent à vos côtés, amis inconnus et bruyants, parlant fort avé l’accent de Toulouse ou celui, moins chantant, de Gennevilliers, vous êtes peu préparé à l’arrivée secrète dans un parking privé avec force hôtesses aux sourires enjôleurs pour vous diriger dans les sous-sols du stade.
Puis, quand vous cherchez la loge dans laquelle un sponsor du club vous a invité et que vous avez l’impression que d’autres hôtesses, toujours aussi souriantes, sont un peu vos amies et qu’elles ont plaisir à vous accueillir, vous êtes persuadé que le match sera beau et que les hommes seront forts. Alors, quand enfin vous êtes bien logé, que vous dégustez du champagne et quelques petits fours délicieux, que vous sortez, puis rentrez, puis sortez à nouveau au gré de vos envies, alternant l’appui nonchalant sur la rambarde ou l’assise confortable sur un siège de stade dont la dureté est assouplie par un léger tissu rembourré, vous appréciez le rugby à sa juste valeur.
Il fait beau – ou pas d’ailleurs, ça n’a aucune importance, vous êtes dans une loge – un léger vent vous caresse le visage, vous vous restaurez de bonne chère et de beau rugby, vous voyez, si près mais à la fois tellement lointains, les vrais supporters agiter leurs drapeaux multicolores, et vous vous dîtes qu’assister à un match de gala du Top 14 dans une loge du Stade de France c’est un moment privilégié, qui permet de voir le rugby tel qu’il est aujourd’hui.
Le match suivant, comme au bon vieux temps des clochers, j’irai mouiller mes pieds sur l’herbe grasse, user mes coudières sur une rambarde, parfumer mes vêtements à l’odeur d’un barbecue bien fumant et je parierai 2 euros sur un ticket de bourriche.