Nous avions fait des Irlandais nos outsiders de cette édition 2014 des 6 Nations et les chiffres prouvent que nous ne nous étions pas tellement trompés. Meilleure attaque du tournoi avec 110 points inscrits mais également meilleure défense avec seulement 29 points d’encaissés. Les Anglais, seconde meilleure défense, ont encaissé presque le double de points (54). Côté français, si étrangement les statistiques en attaque ne sont pas si catastrophiques (81 points) celles de défense sont plus inquiétantes (78 points de pris). Mais les chiffres mettent en exergue la prestation générale des français à l’orée de match : moyenne. Du point de vue quantitatif.
Du point de vue qualitatif, on peut se rappeler les mots des anglais avant le Tournoi. Ils jugeaient que Philippe Saint André avait passé trop de temps Outre Manche pour que son jeu ne se soit pas anglicisé . Le « win hugly » semble être effectivement devenu notre marque de fabrique, alors que dans le même temps, les Irlandais propose un jeu élégant, léché, vif mais bien plus, à multiple facettes. Ils ne se contentent pas de bonifier leurs points forts habituels, fait de jeu d’avants rugueux et de contests pénibles. Le pack irlandais, sous la houlette du néo-zélandais John Plumtree, est désormais plus mobile, plus véloce également. Les avants irlandais se déplacent désormais bien mieux sur le terrain, en petites cellules de trois (un porteur, deux soutiens). Cela permet un jeu dans le mouvement, pas toujours debout, mais avec un ballon vivant. Le liant avec les trois-quarts est excellent, ce qui donne beaucoup de vitesse au jeu irlandais et fait peser sur les défenses une obligation de replacement très rapide et surtout impeccable. Le moindre retard sur le replacement défensif est puni. Stuart Lancaster ne s’y trompe pas en déclarant « Si l’Irlande a fait un bond en avant collectif lors de ce Tournoi, elle le doit surtout au travail de titan réalisé au niveau du pack par John Plumtree« .
Que peut l’équipe de France face à des Irlandais aussi sur de leurs forces? D’abord taper sur ses faiblesses. L’Irlande, malgré des statistiques excellentes de part le nombre de points encaissés, connait cependant quelques difficultés en un contre un. Quelques plaquages ont été manqués lors de leurs deux derniers matchs . La vitesse de nos relances pourrait nous permettre de créer de très bonnes brèches. Pour cela, la France aligne les arrières et trois-quarts les plus à même de créer déséquilibre et incertitudes : Huget, Dulin, Fickou, Médard. Bastareaud, dont on connait la puissance de perforation et à la capacité à créer des brèches, sera particulièrement surveillé, tout comme Picamoles pour les mêmes raisons. Talès, qui porte plus le ballon qu’il ne tape au pied, jouera dans le même registre. Individuellement, la France a largement, très largement ce qu’il faut. La grande inconnue sera la capacité à s’organiser. Capacité à s’organiser en attaque car les irlandais ne rendront que peu de ballons au pied sauf erreur (bienvenue) de leur part; la nouveauté des associations que ce soit à la charnière (Machenaud-Talès) ou au centre (Fickou-Bastareaud) laisse encore peser beaucoup d’incertitudes alors qu’en face, la paire de centre O’Driscoll-D’Arcy aligne 55 associations. Capacité à s’organiser en défense où, on l’a dit, les verts vont très vite et où la moindre erreur sera sanctionnée. Bastareaud a sauvé la France d’au moins deux essais lors du match contre l’Ecosse. Il devra récidiver ce soir.
Devant, c’est la grande inconnue. C’est là que se jouera le match. On attend beaucoup de Picamoles, surement trop. Malgré ses qualités exceptionnelles, il ne peut à lui seul faire gagner le match. Les absences de Nyanga et de Dusautoir vont peser. On attend du huit de devant une révolte et beaucoup de discipline, au moins autant que les Irlandais savent en avoir. La touche, rampe de lancement irlandais, qu’il s’agisse de ballons portés ou de lancement direct, sera primordiale, car il y a fort à parier que les verts la cherche beaucoup plutôt que s’exposer à des relances qui les mettraient en danger. Et les français n’ont pas vraiment brillé dans ce secteur (8 ballons perdus en touche contre l’Ecosse). Malgré beaucoup de discussions, la mêlée française n’a pas été si mauvaise, mais la transformation des ballons pêche toujours par manque de vitesse et de placement. Le constat est d’ailleurs identique en mêlée comme dans le jeu courant sur les sorties de rucks. Le travail des troisièmes et deuxième lignes (puisque Picamoles devrait alterner avec Chouly en 6 – 8 ) sera primordial. Et face aux ogres Heaslip et O’Mahony, la tâche s’avère ardue. La victoire pèsera en grande partie sur leurs épaules.
Le pari de Branchez Rugby : France 24 – Irlande 28